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Histoire sur l’EMIR ABDELKADER



L’émir Abd El-Kader(né le 6 septembre 1808 près de Mascara en Algérie – décédé le 26 mai 1883 à Damas Syrie), est un théologien soufi algérien, également écrivain-poète et philosophe, homme politique et résistant militaire face l’armée coloniale française.
Son père, Sidi Mahieddine, était un cheikh de l’ordre soufi Qadiri, et sa mère, Zora, une femme savante. Il naquit à La Zaayah, une école religieuse de la Guyathnali (les Tentes), dans la région de Mascara, à gauche de la route qui va d’Oran à cette ville. La date la plus probable de sa naissance est le 6 mai 1807.
Il eut une éducation religieuse soufiste. Abd-el-Kader était âgé de huit ans lorsque son père l’emmena à la Mecque pour le Hajj (ou « pèlerinage »). À leur retour, Ahmed Bilhar, son oncle paternel, homme lettré, prit chez lui le jeune pèlerin et se chargea de son éducation, qui consista dans l’étude du Coran, les principes des sciences physiques et morales, de la géométrie et de l’astronomie, la gymnastique, l’exercice du cheval et le maniement des armes. Mahieddine envoya ensuite son fils à Oran, chez Sidi Ahmed ben-Kodja, qui le garda dix-huit mois et lui enseigna la politique.
L’émir Abd El-Kader fait remonter ses origines à la tribu berbère des Banou Ifren.

 Il eut une éducation religieuse soufiste. Abd-el-Kader était âgé de huit ans lorsque son père l’emmena à la Mecque pour le Hajj (ou « pèlerinage »). À leur retour, Ahmed Bilhar, son oncle paternel, homme lettré, prit chez lui le jeune pèlerin et se chargea de son éducation, qui consista dans l’étude du Coran, les principes des sciences physiques et morales, de la géométrie et de l’astronomie, la gymnastique, l’exercice du cheval et le maniement des armes. Mahieddine envoya ensuite son fils à Oran, chez Sidi Ahmed ben-Kodja, qui le garda dix-huit mois et lui enseigna la politique.
L’émir Abd El-Kader fait remonter ses origines à la tribu berbère des Banou Ifren.
Mahieddine fit une seconde fois le voyage de la Mecque avec son fils. C’était en 1820, le capitaine Jovas, commandant le Castor, brick du commerce français, prit à son bord le père et le fils, avec un certain nombre d’aspirants au titre de hadj, et les transporta à Alexandrie. Mahieddine et son fils, après avoir visité la Mecque et Médine, allèrent faire leurs dévotions à Bagdad, au tombeau du célèbre marabout Sidi Abdel-Kader el-Djelani, qui a des chapelles (koubbah) à travers toute l’Algérie et notamment à Alger. Ils recueillirent précieusement tout ce qui pouvait intéresser les populations du désert, et à leur retour ils racontèrent de vieilles légendes, d’anciennes prophéties, qui annonçaient qu’Abd-El-Kader deviendrait un jour le « sultan des Arabes ».
Pendant son séjour en Égypte, Abd-El-Kader fut frappé des changements que Méhémet Ali venait de faire subir à son armée et des améliorations apportées dans l’administration de ses états ; il se sentit un immense désir de le prendre pour modèle, et son père l’encouragea dans ses idées. Réfugiés tous deux dans leurs tentes, ils passaient leurs journées en prières. La vénération qu’ils s’étaient acquise avait tellement grandi que les population arrivaient en foule au douar des Hachem, apportant comme offrandes du grain, du bétail, des chevaux, de l’or, de l’argent et des armes. C’est de cette époque que datent les nombreuses richesses d’Abd-El-Kader et sa haute influence sur toute la contrée. Hassan-Bey, gouverneur d’Oran, voulant mettre enfin un terme à ces menées révolutionnaires, prononça la peine de mort contre le père d’Abd-el-Kader ; mais il était trop tard.
La prise d’Alger par les Français en 1830 venait de porter un coup terrible à l’empire des deys et à la domination ottomane. Mahieddine, le vieux marabout, se mit alors à prêcher la « guerre sainte ». Des milliers de musulmans accoururent et se rangèrent sous ses ordres ; on vit bientôt le puissant gouverneur d’Oran, Hassan, réduit à demander asile à celui dont il avait mis la tête à prix. Le marabout allait lui offrir l’hospitalité et ses services mais Abd-el-Kader s’y opposa énergiquement, et le bey d’Oran dût se rendre quelques jours après aux troupes françaises. Mahieddine, choisi comme chef de l’insurrection, marcha avec ses troupes contre la garnison turque de Mascara, et la massacra sans pitié ; plus tard, il combattit les Français sous les murs d’Oran, et y déploya un grand courage. Le jeune Abd-El-Kader s’y distingua particulièrement ; il semblait être à l’abri des balles et des boulets ; il eut deux chevaux tués sous lui. Le burnous blanc qu’il y portait, et qui y fut rougi du sang des siens, a été conservé comme une relique.
Depuis la prise d’Alger, le parti musulmane semblait avoir recouvré sa liberté, mais il était pour ainsi dire sans chef : Mahieddine, tout influent qu’il était, n’était pas souverain. Quelques tribus ne lui obéissaient pas. D’un autre côté les population musulmanes voyaient avec inquiétude la conquête française s’étendre. La soumission d’Ibrahim, bey de Mostaganem, acheva de les décourager ; il y eut une assemblée générale des chefs de tribus pour procéder à l’élection d’un sultan. Le rendez-vous eut lieu le 21 novembre 1832 dans la plaine de Ghris, dans un lieu nommé Ersebia. Il fut question de nommer Mahieddine, mais celui-ci leur dit que le marabout Sidi El-Arrach était plus digne que lui d’un si grand honneur. Le conseil se retira pour se réunir le lendemain. D’après la légende populaire, Sidi El-Arrach, tout juste arrivé, aurait déclarer en élevant les mains vers le Ciel : « Frères, cette nuit, le célèbre marabout Mahi Abd-el-Kader m’est apparu au milieu de sa gloire, et m’a dit : “Sidi El-Arrach, retiens bien ces paroles d’où dépend le salut de notre race. Je ne connais qu’un seul homme qui, par ses vertus, son courage et son intelligence-, soit digne de commander aux Arabes : c’est Abd-El-Kader, troisième fils de Mahieddine. Je t’ordonne donc de répéter demain au conseil ce que tu viens d’entendre. Allah et son prophète s’intéressent à la cause de ses enfants et veulent qu’elle triomphe.” ». Et Mahieddine d’ajouter :       « J’ai entendu les mêmes paroles que Sidi El-Arrach, et j’ai reçu les mêmes ordres, mais je mourrai dans l’année qui suivra l’avènement de mon fils. Telle est la prophétie de mon aïeul. »
En 1832, le titre de sultan fut alors accordé à Abd-El-Kader, les chefs s’inclinèrent et lui présentèrent le burnous violet. Le nouveau sultan  se mit à son tour à prêcher la guerre sainte. Après que l’affaire          de la Macta eut consolidé sa puissance, il songea à se créer une force militaire permanente. Voyant l’armée française composée en grande partie d’infanterie, il se forma un corps de cavalerie qui put attaquer, poursuivre ou éviter un combat inégal. Ce premier corps ne comptait d’abord que 400 hommes. Pour entretenir des bataillons réguliers, il mit des taxes sur les marchandises et il leva des impôts ; puis il fit bâtir des magasins de vivres, d’armes et de munitions. Lorsqu’il commença à faire la guerre aux Français dans l’ouest de l’Algérie, le général Louis Alexis Desmichels était gouverneur de la province d’Oran ; comme son prédécesseur, il était indépendant du général en chef. Au mois de mai 1833, il remporta plusieurs victoires sur Abd-El-Kader, et s’empara de Mostaganem. L’émir, indigné de voir les Musulmans venir approvisionner les marchés français, fit enlever le chef d’Arzew qui venait de se soumettre, et le conduisit à Mascara où il fut condamné à mort. Au mois d’octobre de la même année ses troupes attaquèrent l’escorte de la commission d’Afrique, forte de 1 800 hommes, mais il fut battu près de Aïn-el-Bidha.
Abd-El-Kader, à la mort de son père (1833), se retira quelque temps à Mascara, puis revint se mettre à la tête de ses troupes. Il fit bloquer la ville d’Oran par la tribu des Rharaba et couper toute communication avec Mostaganem par la tribu des Hachem. La tactique réussit, les arrivages cessèrent sur les marchés français. Les tribus soumises cherchèrent à se détacher des Français. Abd-El-Kader, profitant de l’état des esprits, tendit un piège aux Français dans lequel quatre d’entre eux furent faits prisonniers et un cinquième tué. Le général Desmichels lui écrivit pour réclamer les soldats, mais Abd El-Kader refusa de les rendre et termina sa réponse par un défi. Le général Desmichels ne fit pas longtemps attendre la réponse. Il fit, après le combat, renvoyer les femmes et les enfants des douars qui étaient tombés dans le pouvoir français ; et les indigènes, ne comprenant nullement le motif de cette mesure, pensaient que ceux-ci avaient agi non pas avec générosité, mais avec faiblesse.
Lorsqu’après cette sortie les marchés d’Oran se furent un peu approvisionnés, le général Desmichels écrivit de nouveau à Abd-El-Kader pour lui demander une entrevue. L’émir n’eut garde de se présenter lui-même, il se croyait trop au-dessus des généraux français par sa position souveraine : il n’a daigné accorder cette faveur qu’au maréchal Thomas-Robert Bugeaud, à Juchault de la Moricière et au duc d’Aumale. À la lettre du général Desmichels il répondit que l’Islam lui défendait de se soumettre aux envahisseurs, mais qu’il lui permettait d’accepter une paix si elle lui était proposée. Abd-El-Kader sentait alors le besoin de cesser les hostilités contre les Français, et malgré les revers que les Français éprouvèrent près d’Oran, dans un lieu nommé Dar-el-Bidah (« la Maison blanche »), il continua les négociations entamées, en engageant son agha, Mouloud ben Arrach et le caïd Ouled Mahmoud, pour s’entendre en dehors d’Oran, avec le séfarade Mandoukaï Amar, sur les bases d’un traité de paix qui allait être passé entre la France et les algériens. Abd-El-Kader insistait pour avoir Mostaganem, mais se voyant refuser sur ce point, il demanda Arzew, où il parvint à établir de fait son autorité sans l’accord des Français.
Ils arrivèrent à un accord sur les trois dispositions suivantes du traité :
1. Soumission des Arabes à la France.
2. Liberté du commerce pleine et entière.
3. Remise immédiate des prisonniers.
Lorsque les envoyés d’Abd-el-Kader s’occupèrent de la rédaction de cet acte important, conjointement avec les principaux chefs civils et militaires de la province, ils déployèrent tant de ruse et d’habileté que les conditions principales posées par les Français étaient comme annulées, et que ce traité, que les Français imposaient, semblait être plus favorable à Abd-El-Kader.
Ce traité fut signé le 24 février 1834. Abd-El-Kader, satisfait, croyait son repos assuré, lorsque de nouveaux ennemis vinrent l’attaquer dans sa retraite. L’agha Benaouda Mazari chef des Zmala et Mustapha ben Ismael, chef des Douars qui avait été agha avant la conquête, ne pouvait se résoudre à se soumettre à un usurpateur, ou, comme il disait, à un pâtre, fils de pâtre. Un autre chef, qui menait depuis longtemps une vie de brigandage, Kadour ben el-Morsly chef des Beni Aâmer (Nomade), placé à la tête des Bordja, ne pouvant s’accoutumer à la paix qui allait régner dans le pays, se réunit à Mustapha ben Ismael pour soulever les Beni-Aâmer (Nomade), une des plus populeuses tribus de la province. Les hommes de cette tribu se refusèrent à payer zakât (l’achour), alléguant que la cessation de la guerre rendait cet impôt inutile, et qu’ils ne reconnaissaient pas pour leurs maîtres les infidèles et leurs alliés. Les Douayers et les Zmelas, tribus accoutumées à vivre au XIXe siècle de pillage, se joignirent aux Beni-Aâmer (Nomade) et commencèrent les hostilités.
Abd-El-Kader rassembla au plus vite ses cavaliers dans les environs de Mascara, marcha contre l’ennemi et surprit plusieurs villes laissées sans défense. Mais il eut l’imprudence d’établir son camp sur la lisière de la forêt de Zétoul, dans le pays des rebelles. Au milieu de la nuit, les Douayers mirent en fuite une partie de ses troupes, enlevèrent son camp au galop, et le forcèrent à rentrer presque seul à Mascara. À cette nouvelle, Sidi el-Arubi leva l’étendard de la révolte, les autres chefs des mécontents imitèrent son exemple, et Abd-El-Kader se vit entouré d’ennemis. Au lieu de profiter de ces divisions qui commençaient à naître parmi les tribus indigènes, et tirer parti du coup terrible qui venait d’être porté à l’émir par les Beni-Aâmer (Nomade), les Français intervenaient de sorte qu’ils rendirent Abd-El-Kader plus puissant après cet échec qu’il ne l’était auparavant.
Mustapha ben Ismael, Benaouda Mazari et Kadour ben el-Morsly, instigateurs de l’insurrection, avaient écrit aux généraux Théophile Voirol et Desmichels qu’ils s’engageaient au nom des tribus insurgées à se reconnaître sujets de la France, à renverser Abd-El-Kader et à amener la soumission des troupes de l’émir. Mais le général Desmichels, au lieu d’accepter cette proposition, prit Abd-el-Kader sous sa protection. Celui-ci, se voyant soutenu par les Français et maître de la province d’Oran, c’est-à-dire de cette immense contrée qui s’étend depuis le Chlef jusqu’à l’empire du Maroc, suivit l’exemple du pacha d’Égypte, dont il avait étudié la politique, et il se constitua le négociant de ses États. Il était défendu aux musulmans de traiter directement avec les chrétiens. Abd-El-Kader ne s’en tint pas là : il s’opposa à ce que les Français puissent visiter Tlemcen, sous prétexte que les Arabes et les juifs n’aimaient pas à voir des étrangers chez eux. Bientôt il forma le projet de s’emparer de deux provinces de l’est et du centre, et constituer un état maure sur les hauts plateaux et de laisser aux Français la côte algérienne. Il prit un moyen détourné pour arriver à son but : il écrivit que, grâce à lui, toute la province d’Oran était maintenant pacifiée, que l’est commençait à s’agiter, mais qu’il engageait les généraux français à ne point s’y rendre, qu’il se chargeait de faire rentrer lui-même les tribus insurgées dans la soumission. Mais le général Théophile Voirol refusa ces propositions.
Une secte de fanatiques vint à se révolter contre Abd-El-Kader. Les Français prirent encore parti pour Abd-el-Kader. Cette secte s’était soulevée en prêchant la guerre sainte. D’importants personnages étaient à la tête de la ligue, et entre autres, le frère d’Abd-El-Kader, Sidi Mustapha, ancien caïd des Flittas. L’armée de l’émir parvint à vite matter la révolte. Abd-El-Kader cherchait depuis longtemps à sortir de sa province, un incident lui en donna l’occasion. Un chéliff nommé Hadji Mouça prétendait avoir trouvé le moyen d’empêcher les canons et les fusils des infidèles de partir. Le peuple ajouta foi à ses paroles. Mouça, à la tête d’importantes troupes, s’empara de Médéa et de Miliana, mais Abd-El-Kader l’attaqua et le défit entièrement. L’émir, en passant le Chéliff, avait violé les conventions. Néanmoins, vu le service qu’il venait de rendre, les Français lui laissèrent établir Hadj-el-S’ahit khalifet de Medeah, et réclamer le Yachour (« dîme »). Seulement, le comte d’Erlon, gouverneur général, envoya auprès de l’émir un officier d’état-major chargé de le tenir au courant de toutes les entreprises. L’officier, ne comprenant pas l’arabe, ne faisait guère ombrage à Abd-el-Kader, qui lui donnait facilement le change.
Le remplacement du général Louis Alexis Desmichels par le général Camille Alphonse Trézel fut le commencement des hostilités. Le premier soin du nouveau gouverneur fut de travailler à détacher les tribus les plus puissantes de la cause de l’émir. Les Douayers et les Smela se déclarèrent sujets de la France, sous la condition d’une protection efficace. Le comte d’Erlon refusa de sanctionner cette mesure, et Abd-El-Kader, instruit des dissensions qui existaient entre les généraux, persécuta les tribus soumises : celles-ci s’adressent au général Trézel, qui leur aurait alors répondu : « la parole d’un général français est sâcrée ; dans une heure, je serai au milieu de vous. ».
Et sans hésiter, il sort d’Oran à la tête de deux mille hommes bien armés, le 26 juin 1835. Il livre dans la forêt de Mousa-Ismaël un brillant combat, où le colonel Oudinot trouva la mort. Mais les Français perdirent la bataille et près de 800 hommes dont 15 officiers.
À la fin de 1835, le maréchal Bertrand Clauzel marcha sur Mascara (Algérie) à la tête de onze mille hommes. Le duc d’Orléans se distingua par sa bravoure dans cette expédition. Les troupes de l’émir, battues au Sig (Algérie), à Abra , à Tafna, à Idbar, se dispersèrent et le laissèrent presque seul.
Abd-El-Kader ne tarda pas à se faire de nouveaux partisans et à rappeler à lui les tribus qui l’avaient abandonné. Ayant appris le peu de succès de la première expédition de Constantine menée par les Français, il crut le moment propice pour commencer les hostilités dans la province d’Oran. Il sut bientôt que le général Bugeaud devait marcher contre lui ; mais ce général, éprouvant quelques difficultés dans les moyens de transport, et voulant restreindre les hostilités à la province de Constantine qui allait être le théâtre d’une seconde expédition, fit en 1837 avec l’émir le traité de Tafna, qui sera par la suite source de malentendus. Les critiques experts dirent que cette convention rendait l’émir maître de l’ancienne régence d’Alger, moins la province de Constantine, que dans chacun des articles on le traite d’égal à égal, et on reconnaît sa souveraineté indépendante, que la convention n’a aucune garantie, puisqu’elle repose uniquement sur le caractère moral et religieux d’Abd-el-Kader, etc.
Après l’échange du traité, le général Bugeaud fit proposer une entrevue à l’émir pour le lendemain. Le rendez-vous était à neuf heures du matin, près de Tafna. Le général y fut à neuf heures, accompagné de six bataillons d’infanterie, de dix escadrons de cavalerie et de quelques pièces de campagne. L’émir n’y vint pas à l’heure convenue. Vers deux heures, des cavaliers arabes annoncèrent qu’il avait été malade et marchait lentement. Les Français marchèrent sans défiance plus d’une heure dans le détour d’une gorge étroite, entrecoupée de collines. Enfin le général aperçut l’escorte de l’émir, rangée en bon ordre sur des mamelons épars. La maladie de l’émir était feinte, et le général français avait l’air d’être venu pour lui rendre hommage. Les officiers de l’escorte eurent quelques moments d’hésitation, se croyant dans un guet-apens; Bou-Amedy, chef de la tribu des Oulanahs, qui marchait au milieu d’eux, s’en aperçut et dit au général Bugeaud : « Sois tranquille, n’aie pas peur. — Je n’ai peur de rien, répondit le général, je suis accoutumé à vous voir en face. Seulement je trouve indécent que ton chef m’ait fait venir de si loin et m’ait fait attendre si longtemps. ». L’émir était entouré de 150 à 200 chefs, qu’il précédait de quelques pas, guidant un cheval noir. Dès qu’il fut à portée de voix, le général Bugeaud lance son cheval au galop, et arrive sur l’émir en lui tendant cavalièrement la main ; celui-ci la pressa fortement et lui demanda des nouvelles de sa santé. « Très-bonne, et la tienne ? » répondit le général, qui met pied à terre, engageant Abd-El-Kader à en faire autant. Après quelques minutes d’un entretien insignifiant : « As-tu ordonné, dit-il, de rétablir les relations commerciales à Alger et autour de toutes nos villes ?
Non, je le ferai dès que tu m’auras rendu Tlemcen.
Je ne puis le faire qu’avec l’approbation de mon roi.
Combien faut-il de temps pour avoir cette approbation ?
Il faut trois semaines.
C’est trop long, interrompit Ben-Arrach, lieutenant de l’émir, qui s’était approché : dix à quinze jours suffisent.
Est-ce que tu commandes à la mer ? répliqua Bugeaud.
Nous attendrons jusqu’à ce jour, dit l’émir.
Tu ne fais tort qu’aux tiens, répliqua Bugeaud, en les privant du commerce dont ils ont besoin. Quant à nous, nous pouvons nous en passer, puisque nous recevons par la mer tout ce qui nous est nécessaire. »
Ainsi se serait terminé cette entrevue qui fut sans résultat, car elle avait été sans but.
Par cette convention, la France reconnaissait son autorité sur l’ensemble du beilik de l’Ouest (sauf Oran, Arzew, Mostaganem et Mazagran), sur le beilik du Titteri et sur la province d’Alger (à l’exception d’Alger, de Blida ainsi que de la plaine de la Mitidja et du Sahel algérois). Dans ces territoires, les deux tiers de l’Algérie, Abd El-Kader s’efforce d’organiser un État indépendant et souverain, sur une base religieuse.
Le 5 mai 1839, il demanda et obtint l’appui du sultan du Maroc, ainsi que la concession du territoire situé entre Oujda et Tafna. Il voulut annexer le Constantinois en y nommant un « khalifa ». En réaction, la France organisa l’expédition des « Portes de Fer » en octobre 1839, expédition qui fut considérée comme une violation du traité de Tafna. À partir de ce moment, la guerre reprit avec violence. Au mois d’octobre, dans l’ouest de la Mitidja, l’émir prend en embuscade le commandant Raffet et une centaine de soldats français ; ces derniers marchent contre lui et reprennent Cherchell, Mildah, Miliana, etc.
Le tournant de la guerre fut la nomination du maréchal Bugeaud comme gouverneur général de l’Algérie en 1842. Celui-ci changea complètement de tactique de l’armée française, aidée de nombreuses troupes composées d’Algériens : troupes régulières (zouaves et spahis) et corps irréguliers : les goums). Il harcela les troupes d’Abd El-Kader, en cherchant à les couper de leur base. L’émir fut refoulé sur les hauts plateaux steppiques avec sa smala, capitale ambulante estimée à 30 000 personnes. Abd El-Kader essuya un grave revers le 16 mai 1843, avec la prise de la smala par le duc d’Aumale dans la région de Boghar. Il rassembla le reste de ses troupes, sous le nom de déïra, et se tourna vers le sultan du Maroc. Celui-ci, qui avait des visées sur l’ouest algérien, intervint mais fut défait à la bataille de l’Isly (oued près d’Oujda) le 14 août 1844. Dans le traité de Tanger du 10 septembre 1844, il fut convenu qu’Abd-el-Kader serait mis hors la loi aussi bien en Algérie que dans le Maroc. Il délimita en outre la frontière entre les deux pays. Les Français n’avaient pas oublié le guet-apens de Sidi-Brahim, où leurs soldats, commandés par le colonel Montagnac, furent égorgés sans pitié par les troupes de l’émir.
En 1845, beaucoup de tribus des hauts-plateaux s’étaient soumises aux Français. L’Émir tenta de les réprimer ; le Goum des Ouled Nail, sous le commandement de Si Chérif Bel Lahrech qu’Abd el-kader avait nommé khalifa, prit part à ces opérations. Cherchant des alliances, il alla ensuite en Kabylie, nouveau bastion de la résistance à l’armée française, où il participa à deux combats contre les Français en février 1846. L’Émir sillona ensuite la région de Djelfa, plus au sud, poursuivi par les Français, mais aidé par la population. Des combats eurent lieu à Ain Kahla, à Zenina et à l’oued Boukahil. Abd El-Kader tenta de relancer la révolte en 1847, mais échouant finalement à rallier les tribus kabyles pour faire cause commune, il dut se réfugier au Maroc. Le général de Lamoricière apprit qu’Abd-El-Kader, refusant de se rendre au sultan du Maroc, s’était entendu avec ses principaux officiers, les fonctionnaires de la cour de Fès, pour tenter une dernière fois la fortune. Le 13 septembre, un ex-brigadier du 2° chasseurs d’Afrique qui s’était échappé de la Deïra, accourut annoncer au général que l’émir voulait livrer encore un combat avant de se retirer vers le Sud avec ceux qui voudront l’y suivre.
Échappant aux troupes du Sultan marocain, le 21 décembre 1847, les troupes de l’émir passent la rivière Kiss et entre sur le territoire de l’ex-régence. Abd-el-Kader, seul à cheval, est en tête de l’émigration ; le général Lamoricière, prévenu à temps, ordonne à deux détachements de vingt spahis choisis, revêtus de burnous blancs et commandés par les lieutenants Bou-Krauïa et Brahim, de garder le passage que devait prendre l’émir. Pour parer à tout événement, il fait prendre les armes à sa colonne et se porte sur la frontière ; il avait à peine fait une lieue et demie que des cavaliers envoyés par Bou-Krauïa le prévinrent qu’il était en présence d’Abd-el-Kader. On vole aussitôt à son secours. Au bout de quelques instants, il rencontre Bou-Krauïa lui-même avec des hommes dévoués à Abd-el-Kader, chargés de porter sa soumission au général Lamoricière. L’émir avait remis à Bou-Krauïa une feuille de papier sur laquelle il n’avait fait qu’apposer son cachet, car le vent, la pluie et la nuit l’avaient empêché d’y rien écrire. Abd-el-Kader demandait une lettre d’aman («assurances») pour lui et ceux qui l’accompagnaient. Le général ne pouvait, pour les mêmes causes, répondre à l’émir, mais il remit aux envoyés son sabre et le cachet du commandant Bazaïin, en leur donnant verbalement la promesse de l’aman le plus solennel. Abd-el-Kader renvoya ses deux officiers et le lieutenant Bou-Krauïa avec une lettre dans laquelle il demandait la condition qu’il serait conduit à Alexandrie ou à Saint-Jean-d’Acre. Le général Lamoricière y consentit par écrit.
Le 24 décembre, Abd-el-Kader fut reçu par les généraux Lamoricière et Cavaignac et le colonel Montauban, au marabout de Sidi-Brahim, théâtre de ses triomphes. On l’amena ensuite à Nemours (Dgemma-Ghazouat) devant le duc d’Aumale qui l’y attendait. Le prince ratifia la parole donnée par le général Lamoricière, en exprimant l’espoir que le roi lui donnerait sa sanction. Le gouverneur général annonça à l’émir qu’il le ferait embarquer le lendemain pour Oran, avec sa famille ; il s’y soumit sans émotion et sans répugnance. Avant de quitter le prince, Abd-el-Kader lui envoya un cheval de soumission, pour consacrer sa vassalité et sa reddition.
L’émir demanda avec insistance la faveur de quitter Oran le plus tôt possible. On lui offrit de partir immédiatement sur la frégate à vapeur l’Asmodée, ce qu’il accepta. Le navire quitta Oran en emportant l’émir et sa suite, composée de 61 hommes, de 21 femmes et de 15 enfants des deux sexes, en tout 97 personnes. On y remarquait sa vieille mère, deux de ses beaux-frères, ses trois femmes et ses deux fils, dont le plus jeune avait huit ans. La traversée fut mauvaise et les captifs furent très fatigués. Arrivé à Toulon, Abd-el-Kader fut déposé au Lazaret, puis transféré au fort Lamalgue, puis au château de Pau où il séjourna jusqu’au 3 novembre 1848 et qu’il quitta ensuite pour le château d’Amboise. Son séjour à Pau a laissé aux palois un grand souvenir et lui-même a exprimé des regrets en quittant cette ville. Dans la diligence qui le conduit de Sète en Béarn, l’émir a ces mots pathétiques : « Je vois ces plaines verdoyantes, ces vergers, ces forêts, ces fleuves et ces rivières ; tant d’abondance ! Quel besoin ont les Français d’occuper mon Pays, de sable et de rochers ? »[3]. Durant toute sa captivité à Pau, du 29 avril au 3 novembre 1848, le grand guerrier ne bougera pas de ses appartements d’un château fraîchement rénové, refusant la promenade et ne quittant sa chère Smala que le soir pour aller dormir dans le donjon Fébus. « Je suis en deuil et un Arabe en deuil ne quitte pas sa tente ; je suis en deuil de ma Liberté, je ne quitterai donc pas ma chambre ».
L’image romanesque du grand chef vaincu, du patriote inflexible, attire les curieux en quête d’un frisson romanesque. À Pau, Abd el-Kader ne refuse pas les visites, bien au contraire. Au cours de ces entretiens, il ne cesse de rappeler à la France son manque de parole et d’en souligner la gravité. Très vite, l’image du chef de guerre exotique cède le pas à celle d’un hôte aimé, révéré. Au moment de partir pour Amboise, l’émir se retourne et déclare : « En quittant Pau, je laisse un morceau de mon cœur ». La parole de la France n’est pas tenue par les régimes et les gouvernements successifs. L’émir est retenu en captivité pendant cinq années. Dès son accession à la Présidence de la République, Louis-Napoléon Bonaparte songe à le libérer. En janvier 1849 il organise une réunion au Palais de Saint-Cloud, le maréchal Bugeaud est présent, mais les difficultés du nouveau président avec la Chambre et son Ministre de la Guerre lui font remettre à plus tard ce qu’il considère comme une affaire d’honneur.
Ce n’est que le 16 octobre 1852, au retour d’une tournée en France que le futur Napoléon III vient annoncer solennellement sa liberté à l’émir. Après avoir fait serment, de sa propre initiative, de ne plus perturber les opérations françaises en Algérie (décembre 1852), il part pour Brousse puis Damas. Il enseigne la théologie à la mosquée des Omeyyades. En juillet 1860, les troubles confessionnels du Mont Liban se sont étendues à Damas. Des musulmans et des druzes attaquent les quartiers chrétiens, tuant plus de trois mille habitants. L’émir intervient pour arrêter le massacre et protège au péril de sa vie la communauté des quinze mille chrétiens de Damas et les Européens qui y vivaient, grâce à son influence auprès des dignitaires de la ville. Il reçut la grand-croix de la Légion d’honneur et d’autres marques de reconnaissance venant du monde entier (notamment du Pape, du Tsar de Russie, etc.). En 1869, il participa aux festivités de l’inauguration du canal de Suez aux côtés de l’impératrice Eugénie.
Il consacre le reste de sa vie à des œuvres de bienfaisances, à l’étude des textes scientifiques et sacrés et à la méditation jusqu’à sa mort à Damas.Il respecta toujours la parole qu’il a donné de ne pas revenir en Algérie. Son fils et surtout son petit-fils, l’Emir Khaled revint en Algérie.L’Emir Khaled fit une carriére de soldat français , mais eu ensuite une carriére politique et milita activement, parmi les premiers, pour l’indépendance de son pays. Les cendres d’Abdelkader furent récupérées en 1965 et se trouvent aujourd’hui au cimetière d’El-Alia à Alger. Ce transfert des cendres a Alger a été discuté, car Abd el-Kader avait clairement souhaité être inhumé a Damas auprès de son maître Ibn Arabi.
Abd El-Kader est également le concepteur de la capitale mobile : la Smala. Pour la France coloniale de l’époque, il était le modèle de « l’indigène » éclairé et cultivé. Pour l’avoir combattu avec honneur, il fut respecté même par ses propre ennemis. C’était, de la part de la France, reconnaître l’ouverture d’esprit et la profonde humanité de l’homme d’honneur qu’il a été durant toute sa vie. Il a échangé une très prolifique correspondance avec des Français, dont la contribution apporté au livre du Général Daumas sur le cheval.
Il faut citer également les relations et les entretiens qu’il eut avec Monseigneur Dupuch, êveque d’Alger. L’étude de la relation entre l’Émir et Monseigneur Dupuch est extrêmement intéressante et montre un esprit ouvert et tolérant dans une époque pourtant difficile. Il convient de citer ici le roman publié par un écrivain algérien, Waciny Laredj : « Le livre de l’Émir » aux éditions Actes Sud en 2006 qui prend appui sur cette relation .
Il se pose aussi la question de son appartenance à la franc-maçonnerie. Il semble , en effet, qu’il ait adhéré à la loge Henri IV du Grand Orient. Il existe, en effet, un échange de correspondance qui paraissent établir cette adhésion. On peut se référer sur ce point aux annexes du petit livre publié par Bruno Etienne et François Pouillon: « Abdelkader : le Magnanime. » Gallimard Découvertes 2003.
Certains algériens contestent le fait et estiment que les lettres de l’Émir doivent s’analyser comme l’expression de la curiosité intellectuelle de l’Émir, et non pas comme la preuve d’une adhésion.
Malgré ses contradictions, l’« Ami des Français », comme aimaient à le qualifier les Européens, est aussi considéré en Algérie comme le père de la nation, le héros qui ne s’est rendu que pour préserver les Algériens d’un combat inégal et perdu d’avance. En Algérie, depuis quelques années, la figure du héros national s’est enrichie et les Algériens, grâce à toute une littérature mystique découvrent la dimension soufie du résistant à la conquête française.
Il est aussi et surtout l’un des plus grands mystiques du XIXe siècle, qui a laissé un ouvrage d’une profondeur rare sur son propre cheminement intérieur : le livre des Haltes, Qitab al-Mawaqif. René Guénon reconnaîtra en lui bien plus qu’un simple chef de guerre, mû par des principes d’un tout autre ordre, et un personnage d’une éminente stature akbharienne dans l’ordre du Tacawuff.
                                                                                redigé par M timsi